Je contemple... Les restes déchirés de ce monde dévasté... Surtout par le mensonge, la mesquinerie, la dissimulation... Il vaudrait peut-être mieux que l'Apocalypse éclate immédiatement. Au lieu de continuer à nous mentir... A nous cacher...

Quelles sont tes preuves que l'on te dit la vérité? Tu ne comprends pas... Nous sommes toujours libres. Tu n'as aucun moyen de pression. Si je veux faire quelque chose, je le fais. Ce n'est pas la force morale qui va m'arrêter. Si je veux te mentir, je le fais. Tu n'as aucune garantie que ce que je te dis est vrai. Dans les séries policières... Le coupable qui prend un otage... Il suffit de lui parler et il lâche son arme, se repent et on lui pardonne. Mais ce n'est pas ainsi dans la vraie vie. Sans être folle, je peux tout faire. En fait, ces barrières invisibles que nous nous dressons... Il est infiniment facile de les franchir. Même si j'ai encore tout à y perdre. On ne réalise jamais à quel point on est libre. De tout faire. Des choses horribles. Impensables. Les limites n'existent pas. La honte, la peur, l'amour... Je les jette au vent, personne ne peut m'arrêter. Seulement parce que je le veux. C'est un monde noir. Pourri. Je contemple tout ça, et je souris...

Le voile se lève.

Ne regardes-tu pas le désastre?

Celui que tu t'es acharné à construire.

Ne te cache pas et admire.

Contemple les restes de ta vie.

Grave ceci au fond de ta mémoire.

Sombre lentement dans les méandres de ton âme.

Tu n'as jamais été indestructible.

Et ce cristal se brise sous mes doigts.

La peur que je sens

Ne m'appartient pas.

Le tienne, sûrement.

Je la comprends.

Ne te cache pas et admire,

L'apocalypse, monde de chaos et d'anarchie...

Ne te satisfait donc pas?

Je suis censée être une adolescente en crise. Les adultes, apparemment persuadés d'être infiniment supérieurs ne voient en moi qu'une gamine insignifiante et inutile. Je me tais. Je me contente de sourire, car cela n'a plus d'importance pour moi. Ce que les autres pensent de moi, je ne m'en soucie plus. Il me restera toujours un endroit où aller, j'ai cette chance extraordinaire, ainsi que des amis fidèles et une famille chaleureuse. Mais je me sens encore terriblement seule. Par vanité disproportionnée ou bien par comparaison avec certains, je me sens isolée. Je m'exile.

J'ai deux personnalités. Je l'ai découvert récemment. Comme beaucoup, une me sert de face publique, et une autre rassemble ce qu'il me reste. Mais ce n'est pas le petit syndrome usuel et superficiel qui consiste à ce que l'on change simplement d'attitude avec certaines personnes, suivant qu'il s'agisse d'amis, de membres de la famille ou de parfaits inconnus. Non, c'est plus profond que ça. Je change complètement d'état d'esprit. Mais mes personnalités ne sont pas opposées, noire ou blanche, eau ou feu. Non.

En public, je suis souriante, gaie et j'ai un don pour tourner en dérision tous les sujets de conversation. Comme pour tant d'autres "adolescents", l'ironie est un échappatoire aux problèmes courants. Cynisme, humour noir... Tim burton est notre maître, Stephen King notre guide et Edgar Poe notre prédécésseur. Même si, pour certains, piétiner les autres et ignorer leurs problèmes leur permet de se sentir mieux. Je ne suis pas comme eux.

Mais au fond de moi, je suis cruelle. Profondément méchante. Pourtant, je sombre dans une profonde mélancolie. Seule. Je ne veux pas faire part de mes problèmes à mes amis. Je les garde pour moi. Parce qu'au fond je trouve cela égoïste de penser que je suis mal. Bien des personnes sont au plus bas, possèdent des difficultés mille fois plus graves que les miennes. Je dois avoir honte. Et peur de me dévoiler. J'ai tellement peur de la réaction de mon interlocuteur si je découvre mon vrai visage...

Je n'aime pas quand on s'apitoie sur son sort... Je ne m'aime pas...

Je suis peut-être une gamine... Mais peut-être à peine plus lucide que toi...

Je ne suis pas pessimiste. Je ne suis pas euphorique. Je ne suis pas perdue. Je ne suis pas folle. Je ne suis pas en crise. Je ne suis pas bête. Je ne suis pas délaissée. Je ne suis pas malchanceuse. Je ne suis pas malade. Je ne me sens pas supérieure. Je ne suis peut-être pas meilleure que vous. Mais, je vous en prie, ne me haïssez pas...

Je n'ai pas peur de mourir... Seulement de ne plus vivre...

Je ne suis pas plus forte... Ma muraille a seulement l'air d'être plus épaisse que les autres, c'est tout...